Retour aux sources !
Imaginez une vallée avec de l’herbe verte et douce partout. Dans les prés, de belle vaches noires et blanches qui broutent l’herbe tendre paisiblement. A leur cou, des cloches qui tintinnabulent et résonnent en accord avec le chant des oiseaux dans la vallée et l’espace immense de la montagne, comme une symphonie pastorale!
Partout, les contrastes de soleil étincelant et d’ombre profonde. Papillons, oiseaux, senteurs subtiles, couleurs multiples et saisissantes révélées par un écrin apaisant de vert tendre. La brise caresse la peau et stimule les sens juste assez pour réaliser que le corps existe… et la salive se fluidifie pour mieux humecter notre intérieur qui se met au diapason de ce bonheur simple !
Le regard porte sur le panorama tout autour de soi. Au premier plan, ou que l’on regarde, des vallons et des montagnes rondes et enveloppantes.
En bas, le village avec ses maisons en bois décorées de fleurs multicolores et des feuilles d’automne qui flamboient. Seuls les habitants de la montagne et leur gentillesse légendaire détiennent le secret de ces maisons coquettes, si bien ordonnées et hautes en couleurs et, en même temps merveilleusement intégrées en village dans la beauté du paysage.
Là haut sur les alpages sont posées, ici et la, quelque ferme, grange ou refuge qui nous appellent à la randonnée et à la sieste réparatrice .
Et plus loin, mais si présents, apparaissent mystérieux, entre ombre soleil et brumes, les rocs puissants des hautes montagnes alpines qui nous invitent à » déployer nos ailes » vers le voyage et l’aventure du » faîte suprême « .Quelle impression fantastique, ce paysage par lequel l’harmonie et le bonheur de vivre nous submergent, irrésistiblement.
C’est dans cet assemblage d’harmonies et de contrastes qu’est né le fameux fromage de gruyère et ses multiples spécialités, dont l’etivaz fabriqué au lait d’alpage et au feu de bois que nous dégustions avec appétit au petit déjeuner après la pratique matinale. Comment imaginer pratiquer le taiji quan dans ce monde de rêve? Et bien, c’est le rêve!
D’un tire d’aile, voici récompensés les laborieux et longs efforts d’apprentissage. En un instant, nous voici en conscience avec nous même et en symbiose avec la nature : serais ce cela l’état de plénitude ? Résonnant entre notre corps et la nature avec comme simple lien la respiration qui devient souffle nourricier. L’aile de la sérénité et du bonheur nous a frôlé: Un petit pré de nirvana était inscrit au cœur de ce paysage grandiose et serein ! Le souffle du château d’Oex (il est de bon ton de dire : » châto dé » ) nous a allégé et transporté comme les ballons s’élevant du fond de la vallée avec leurs grondements sombres de dragons crachant le feu. Ces ballons qui permettent de vaincre la gravité et de s’élever en silence! Le souffle échauffé au service de la légèreté de la matière ; à méditer ! Toute l’alchimie taoïste éclairée par ce miracle de simplicité. (Châto dé a été le point de départ du tour du monde en ballon).
Et voici le groupe attentif autour du guide : Charles, qui comme le berger fait tourner son bâton avec dextérité et prend garde avec attention et bienveillance à la cohésion de l’assemblée . Il bat la mesure et nous emmène tranquillement avec douceur et fermeté dans les arcanes du taiji quan. Comme l’abeille, il observe, corrige, conseille, partage son expérience et butine sur les petits et grands bobos. Retour aux sources avec son allant, son énergie intarissable, sa gentillesse, sa bonne humeur, son sourire et ses » bons » mots français enchinoisés. C’est donc cela le patois Suisse de la Gruyère !
Charles nous a fait re-toucher paisiblement à la simplicité du Yangjia michuan avec le sourire.
Nos nuits ont été éclairées par tous ses bons mots: la » gravite (l’axe) centrale « , » torturer » (tordre) le corps, la coccinelle (le coccyx) ; » en-scellé » et les vieux maîtres qui » s’inquiètent dans leur tombe » et nos deux journées ont décidément nourrit l’essentiel.
À bientôt le comté de Gruyères en compagnie de Charles Li et de nos hôtes exemplaires dans l’organisation fluide et fraternelle d’un week end de lumières en marge du temps.
Christian Bernapel, 22 septembre 2003.